TONY GONNET

(1909 – 2004)

PEINTRE EXISTENTIALISTE

Tony GONNET, né le 22 août 1909 à Péronne dans une famille de notables picards appartenant dès le XVIIe siècle à la noblesse de robe, est décédé le 26 septembre 2004 à Nîmes, à l’âge de 95 ans. Entre 1941 et 2002, Tony GONNET a accompli une œuvre picturale considérable qui a été appréciée dès les années 1950. Il aimait la vie et disait que chacune de ses œuvres était une offrande pour elle.

Tony Gonnet à Paris dans les années 40.

À Paris, il devint tout d’abord dessinateur industriel et contribua à partir de 1936 à la création d’un moteur d’avion de conception inédite. En 1939, « l’ingénieur construction moteur » fut mis par l’armée à disposition d’une entreprise de mécanique, qui se déplaça à Casablanca en juin 1940. Il y retrouva en 1941 André Breton et Saint-Exupéry, en partance pour l’Amérique. N’ayant pas obtenu lui-même de visa, il regagna Paris en janvier 1942, travaillant toujours sur des moteurs d’avion, et s’installa à l’Hôtel de la Louisiane, rue de Seine, jusqu’en 1953. Il lisait beaucoup et fréquentait régulièrement, comme avant-guerre, le Café de Flore.

Il devint une des figures de Saint-Germain-des-Prés et compta parmi ses nombreux amis et connaissances Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jean Genet, qui a préfacé sa première exposition, à Paris en 1952, Albert Camus, Maria Casarès, Simone Signoret, Boris Vian, Paul Grimault, Marcel Duhamel, Gaston Gallimard, Alain Cuny, Roger Blin, Lola et Marcel Mouloudji, Henri Crolla, Claude Luter, Serge Reggiani, Fabien Loris, Jacques et Pierre Prévert.

Au Café de Flore en 1942. De gauche à droite : Nikos Papatakis, Tony Gonnet, Simone Signoret, un inconnu, et Marcel Mouloudji.
Tony Gonnet avec Jean Rougeol, Roger Blin, Mouloudji et Mireille Trèpel
à St-Germain des Près dans les années 1940.
Portrait de Jean-Paul Sartre
par Tony Gonnet, 1942.
Fabien Loris (en haut), Tony Gonnet (à gauche),
Jacques Prévert (caché à droite) et le couple
Mouloudji en 1942.
Tony Gonnet à Paris dans son atelier de la place Dauphine,
dans les années 50.
1   “Fumeurs”, huile sur toile, 17×27 cm, 1946
2   “Sans titre”, galets peints, vers 1947.

Pour Tony GONNET le plus important était l’imagination, et il n’y avait peut-être que peu de différences pour lui entre dessiner un moteur et peindre un tableau. Tout deux obéissent à une même démarche formelle visant l’harmonie, disait-il.

Tony Gonnet, dans les années 50,au  port de Saint-Tropez où il amarrait souvent son bateau.

En 1941, dans l’ennui de Casablanca, Tony GONNET s’était mis à dessiner, puis à peindre, dans un style surréaliste. (Figure 1)

En 1946, il abandonna la figuration surréelle pour l’abstraction, n’usant dès lors que de formes géométriques et de couleurs dégradées, dans un style qui n’appartient qu’à lui, caractérisé par un jeu subtil de formes et de couleurs. Ses premières peintures abstraites sont de mini-tableaux de 19 × 13 cm  (figure 3) aussi réduits que les galets ramassés sur des plages méditerranéennes, qu’il décorait (figure 2). Puis il passa à de plus amples formats, que limita toujours sa modestie.

3    “Sans titre”, huile sur carton, 19×13 cm, 1948

Il cherchait aussi, par la peinture, à rejoindre la musique, qui était pour lui la forme la plus aboutie de la liberté créatrice. Dès 1941, il dessina des personnages à tête d’instrument de musique. Pour lui, aucun peintre n’avait égalé Paul Klee.
La succession des tableaux de Tony GONNET témoigne de la recherche plastique à laquelle il avait été formé comme ingénieur dessinateur. Chacune de ses œuvres vise à réaliser une harmonie de formes et de couleurs destinée à apporter de la joie.

Le tableau qu’il avait en cours était la réponse provisoire qu’il donnait à des interrogations existentielles. L’homme était, on l’a dit, modeste (il écrit en 1947 « la route passe nécessairement par l’oubli de soi ») et s’est toujours refusé à solliciter ses relations pour mieux faire connaître sa peinture.

On peut schématiser l’œuvre de Tony Gonnet comme suit :

la période surréaliste s’étend de 1941 à 1946 (figure 4).
Vers la fin 1946/1947, commence l’abstraction en dessin (figures 5), en peinture sur papier, toile et bois. Les œuvres des années 1950-1960, époque centrale de sa production, sont plutôt dans les tons sourds (figures 6).

6   “Sans titre”, Huile sur carton, 22×28 cm, 1954
4    “Le couple de mains”, huile sur calque, 47×38 cm, 1946
5    “Sans titre”, encre sur papier, 21×27 cm, 1947

On constate que dès 1969 il introduisit parfois dans ses compositions géométriques des profils de visage humain, qui sont peut-être moins une réminiscence surréaliste que la quête d’un monde réconcilié.
Ensuite, dans les années 1970-1980, sa palette s’éclaircit et devint plus lumineuse (figures 7).
Comme dans les années 1969, à partir de 1990, Tony peignit principalement des gouaches en y intégrant souvent des profils humains (figure 8).

7   “Andante”, huile sur panneau, 50×61 cm, 1978
8    “Sans titre”, gouache, 38×46 cm, 1998

Outre son atelier, qui comprend de nombreuses œuvres, Tony GONNET laisse un Journal qu’il a tenu de 1940 à 1960 et des archives personnelles volumineuses; l’ensemble sera conservé par l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC), à l’Abbaye d’Ardenne près de Caen.
Si sa première exposition à Paris, en 1952, a été, on l’a vu, préfacée par Jean Genet, c’est Pierre Courthion qui a présenté celle de 1957, et Jean Cassou, ex-directeur du Musée d’Art Moderne, celle de l’Abbaye de Sénanque en 1971. En 1986, Serge Reggiani a patronné sa dernière exposition parisienne, et en 2005, à la demande de Jean-Marc Roubaud, député-maire, une exposition, posthume a eu lieu à Villeneuve-lès-Avignon.

LE COUPLE GONNET

En mars 1964 Tony a épousé Hatice Bagana, fille d’un diplomate turc. Ils vécurent 45 ans ensemble. Amie du poète Turc Nazim Hikmet et de l’écrivain Yachar Kemal, Hatice Gonnet –Bagana, chercheur émérite au CNRS, est spécialiste de la civilisation hittite (Anatolie au IIe mill. av. notre ère) contemporaine de l’Egypte Pharaonique.

Tony et Hatice Gonnet en 1965, puis à Aigues-Mortes en 1995

Tony décédé en 2004, Hatice partage sa vie entre Paris et en Provence dans leur maison de Serviers près d’Uzès où elle garde encore une partie de l’atelier de son mari (de 1940 à 2002).

LA MAISON ATELIER D’UZÈS

Tony dans son atelier
Façade Ouest de la maison, avec vue sur Uzès.
La grange où sont exposées les tapisseries.
De gauche à droite : la galerie, l’atelier de Tony, la grange et le living.

Livre et articles

Jacques Lefort
Tony Gonnet, Itinéraire d’un peintre du surréalisme à l’abstraction
Édition Méroé
2017

Jean Genet
Texte de 1952 à l’occasion de
l’exposition Tony Gonnet à la
Galerie Henriette Niepce, Paris.

Jean Cassou
Texte de 1970 en préface des
expositions de Cimaises Ventadour
à Paris, et à l’Abbaye de Sénanque
à Gorde en 1971.

Pierre Courthion
Texte paru en 1960 à l’occasion de
l’exposition Tony Gonnet à la
galerie de l’Ancienne Comédie à Paris.

“Tony Gonnet : musicien des couleurs”
article de Pierre RIVAS
Midi Libre, 26 octobre 2004